Culture,  LIFESTYLE

Maquillage : relation d’amour ou de haine ?

Entre plaisir de créer ma propre image et difficulté à m’apprécier au naturel, je pense avoir, comme beaucoup de femmes, un rapport conflictuel au maquillage. A la frontière de l’intime et du social, de l’individuel et du culturel, le maquillage en dit long sur celles et ceux qui le portent.

Mon histoire


J’ai commencé à me maquiller très tôt au collège. A l’époque je ne cherchais pas à m’embellir, mais à montrer une appartenance à une sous-culture. L’adolescence fut une période d’expérimentations. Je m’amusais à déformer mon image, en allant même jusqu’à porter des lentilles agrandissant les yeux et des faux-cils. Au lycée, je découvrais le style pin up, fascinée par l’esthétique de poupée de ces fières dames. Je fus charmée par ce maquillage qui reprenait les codes glamour du vieux Hollywood, et qui, comme la mode pin up, soulignait mes traits les plus féminins. Ne me reconnaissant pas dans les normes esthétiques actuelles, le trait d’eyeliner, le rouge à lèvres vif et ma peau de porcelaine devinrent vite ma marque de fabrique.

Tout allait bien jusqu’à ce que je me rende compte un jour que je ne me plaisais plus sans maquillage, et surtout que j’avais peur du regard des autres quand je n’en portais pas. Je n’ai jamais cherché à cacher des complexes avec les cosmétiques, alors j’ai trouvé grave de s’en créer à cause de celles-ci. Depuis peu, j’essaie de réduire un peu. Pas pour arrêter, mais pour réapprendre à m’aimer aussi sans. Depuis mon arrivée à Strasbourg, en semaine, je me passe de fond de teint et parfois même de tout. Les moments où je me maquille pour sortir en soirée sont d’autant plus appréciables. Plus que de chercher à cacher des imperfections, je souligne les parties de mon visage qui me plaisent. Si j’ai réussi à faire cela dans cet environnement où personne ne me connaît, je pense que j’aurais du mal à me présenter le visage nu devant ceux qui m’ont connue maquillée depuis toujours.

La pin-up russo-américaine Miss Mosh

Your beauty mark


Dita von Teese au lycée et maintenant

En terme d’image personnelle, Dita von Teese est celle qui m’inspire plus. Ayant toujours refusé les diktats esthétiques de la société américaine où elle a grandi, elle a renoncé à son image de beauté américaine « naturelle » pour se créer le look exotique dont elle avait toujours rêvé.

Comme on peut le lire dans cet article sur l’anthropologie du maquillage, à ses origines, il était une pratique ancestrale visant à empêcher les démons de pénétrer dans le visage par les orifices. Avec le temps, perçu comme une insulte à la création divine, le maquillage prendra une connotation négative : l’être vertueux, contrairement à l’être vaniteux, devrait plutôt se focaliser à embellir son âme. Dans l’imaginaire social, longtemps associé aux prostituées, le maquillage continue d’être perçu comme un art pervers de falsification et de luxure.

Même si le maquillage a aujourd’hui retrouvé ses lettres de noblesse, la beauté naturelle reste toujours préférée à une beauté refaite, l’ironie étant des filles passant des heures sur un maquillage « nude ». Mais la génétique est un jeu de hasard et tout le monde n’a pas eu la chance de naître avec le corps dont il rêve. C’est pourquoi j’ai toujours considéré le corps comme une toile vierge personnalisable. Comme Dita, je pense donc qu’il n’y a pas de honte à se créer un look qui se rapproche le plus de notre esthétique, aussi « artificiel » qu’il puisse paraître. Au final ce qui compte le plus ce n’est pas le corps avec lequel on est né, mais ce que l’on décide d’en faire.

Doing it (makeup) myself is a matter of integrity and pride. I look forward to stepping out into the world and honestly stating, ‘Yes, I did this.’ _Dita von Teese

Ainsi, le maquillage renvoie pour moi à quelque chose de très personnel et d’intime. Le caractère éphémère du maquillage permet de répéter chaque matin ce petit rituel, un moment rien que pour soi, mais aussi un moyen d’expression : Du rouge à lèvres pour un style de femme fatale ? Smokey eye pour une allure bad ass ? Ou un peu de blush pour un look mignon et pétillant?.. Certains produits cosmétiques ont un pouvoir étrange. Pour ma part, un simple trait de rouge à lèvres suffit à booster ma confiance en moi. Alors quand je vois des femmes critiquer les autres parce qu’elles en porteraient trop, ou des filles lire des articles sur « le maquillage que les hommes préfèrent », j’ai envie de dire aux gens de s’occuper avant tout d’eux ! L’année dernière une vidéo parlante d’une youtubeuse beauté circulait sur le net. Cette jeune fille souffrant d’acné avait posté des photos d’elle sans maquillage puis avec. Des internautes lui avaient laissé des commentaires lui disant que sa peau était dégoûtante, puis, lui disant qu’elle devrait avoir honte de « mentir » en se maquillant. Au final, quoi que vous fassiez vous serez critiqués, alors choisissez ce qui vous convient.

Le visage social


Si le maquillage permet de booster la confiance en soi, il change aussi inconsciemment la perception que l’on a de ceux qui en portent. En s’intéressant aux critères subjectifs des embauches aux États-Unis, des chercheurs ont mis en évidence qu’une femme maquillée était perçue comme plus attractive et plus compétente. Cependant, chez les femmes beaucoup maquillées, le critère de fiabilité baisse. Le maquillage peut aussi porter une symbolique lourde, comme le rouge à lèvres dont j’avais déjà parlé dans cet article. Symbole de la femme séductrice, le rouge à lèvres est même interdit dans certaines sociétés fondamentalistes pour ce qu’il représente.

Le maquillage a donc indéniablement un aspect social, notre visage étant le moyen principal de communication dans l’interaction. Des auteurs, comme Laurence Pfeffer de l’Université Marc Bloch de Strasbourg, vont jusqu’à dire que les femmes auraient deux visages. Le visage intime, nu et démaquillé, réservé aux plus proches. Et le visage social pour se confronter l’altérité. Dévoiler son visage nu devient alors un véritable défi, car cela équivaut à se montrer dans son intimité et sa vulnérabilité. Et pourtant, cela démontre une facette très superficielle de nos sociétés, où prédomine l’apparence.

Le conflit interne



Si j’adore créer celle que je voudrais être grâce à mes pinceaux, il m’arrive de souffrir de la différence que je perçois entre ce moi idéal et mon moi réel. Je prends beaucoup de plaisir à créer de magnifiques maquillages pour nos shootings avec Jones et voir le rendu est très gratifiant. Mais j’avoue ressentir un malaise face à cette image parfaite de moi que je ne pourrai jamais réellement présenter aux autres. Cela me donne parfois presque envie d’abandonner la photo. Peut-être devrais-je essayer de faire un shooting sans maquillage un jour, mais je ne m’en sens pas encore capable.

Ma conclusion : Le maquillage est un formidable outil d’expression, à partir du moment où il n’est pas là pour cacher un plus profond manque de confiance en soi. Un chose est sûre : je n’arrêterai pas le maquillage car cela me procure beaucoup de plaisir. Mais aujourd’hui j’ai aussi envie d’apprendre à m’apprécier sans, rien que pour mon gentil copain qui me répète en permanence que je suis belle au naturel. 😉 Pour finir, voilà quelques photos de mon maquillage fétiche ! Je porte le fond de teint Kat von D. S’il fait un effet Photoshop immédiat (pas une seule retouche sur ces photos), je le trouve un peu trop couvrant et c’est vraiment dommage qu’il assèche la peau.

Mon maquillage fétiche



Et vous, quelle est votre opinion sur le maquillage ? Plutôt nature ou contouring ?

Toujours à la recherche de tendances surprenantes et passionnée par l'histoire et la sociologie du vêtement. Retrouvez-moi dans la section mode!

7 commentaires

  • Cari

    C’est une belle introspection et tu mets le doigt là ou ça fait mal: les gens râlent quand tu es maquillée (même si c’est un peu) puis ces mêmes personnes trouvent que tu serais plus jolie avec du maquillage. Accordez vos violons les gars et on verra après! J’ai commencé à ma maquiller régulièrement sur le tard, vers 22-23 ans. Pour moi cela est et reste un jeu puisque je m’apprécie totalement sans. (Même si parfois j’ai un peu honte de mes cernes de trois kilomètres de longs!) Je pense que tu devrais d’abord faire les choses pour toi et les autres… on les emmerdes!

    Par contre je suis incapable de sortir le rouge à lèvre rouge, je sors avec du bleu, du noir, du gris… mais le bleu j’y arrive pas! Why, oh, why?

    Gros bisous ^^

    • Jam

      Salut Cari ! On est d’accord! Moi même il y a beaucoup de tendances maquillage dont je ne suis pas particulièrement fane,
      mais qui suis-je pour dire quoi que ce soit si ce qui plait à la personne? Le seul cas où c’est dommage, c’est quand j’en
      vois certaines porter un maquillage qui ne leur correspond pas par simple effet de mode.

      Tu veux dire du rouge à lèvres bleu? Cette classe! 😀 ça change de l’ordinaire!
      Bisous

      • Cari

        pardon, je voulais dire que je ne m’apprécie pas avec du rouge à lèvre…rouge (je devrais éviter de laisser des com’s quand je suis crevée!) le bleu c’est trop bien à porter =)

  • Iskandaria

    Konbawa.

    Avant j’étais comme toi, maquillée tout les jours même les dimanches quand je sortais pas. Puis, j’suis tombée malade, les idées noires sont venues, et peu à peu j’ai eu la « flemme » de me faire belle, de résister.
    Donc, maintenant, je me maquille pour certaines occasions et pour d’autres je ne le fait pas. Déjà, une pensée m’est venu hier quand j’étais chez ma coiffeuse en train d’attendre, je me suis surprise à me regarder dans le miroir et voir que je me détestais, malgré le maquillage et même sans maquillage je me déteste. Donc je ne vois pas pourquoi je fais tant d’effort pour essayer de me montrer agréable.
    Donc parfois, les gens voient ma tête toute fatiguée avec des cernes de trois kilomètres sous les yeux, la peau très pâle et l’air blasé et ça me gêne pas, même on me trouve plus jeune que je ne le suis en réalité ! Mais j’avoue que parfois, j’aime prendre le temps de me maquiller, mais le problème c’est que mon maquillage prend du temps et parfois bah j’ai la flemme.

    • Jam

      Bonjour Iskandria, merci pour ton témoignage très touchant.
      J’espère que tu arriveras à gagner confiance en toi avec le temps, mais tu as bien raison : rien ne sert de se « faire belle » pour les autres!
      Je dois te confier que pour ma part j’aime bien les cernes, ça donne un côté mystérieux :p (saurez-vous deviner ce que j’ai fait hier soir?)

  • Darkrevette

    Article très intéressant. Je connaissais cette vidéo parce que je suivais déjà cette youtubeuse avant ce fameux buzz et la réaction des gens est quand même bien épouvantable. Etre caché derrière un écran fait ressortir chez certain le plus mauvais !
    Personnellement j’ai du mal à m’apprécier tout court mais c’est vrai que sans un minimum de maquillage je me trouve souvent affreuse. (Bien que je reste au naturel dans quelques situations comme la venue à la maison de mes beaux parents ou du livreur de colis *youpi*) J’ai souvent la flemme de faire quelque chose de mon visage bien que paradoxalement je prenne beaucoup de plaisir à me maquiller. Je vois ça comme une forme d’Art 🙂 Mais j’imagine qu’on est nombreuses dans ce cas de figure : ressentir une certaine frustration au fait de ne pas assez ressembler à la fille qu’on est sur la photo, avec son joli maquillage. Avoir comment travailler sur ce problème. Internet et les réseaux sociaux n’aident pas, même si ce n’est pas une excuse.
    Mais j’ai beaucoup aimé lire ton témoignage et ressenti sur la question du makeup en tout cas.

    • Jam

      Salut Krevette, merci pour ton témoignage! Ca me rassure de savoir que d’autres bloggeuses ont le même ressenti.
      Oui je pense comme toi qu’il y a un véritable plaisir à se pouponner. Et je pense qu’on n’y prend plaisir que lorsqu’on décide de le faire pour soi.
      D’où la grosse flemme que j’ai de le faire avant le boulot et le plaisir avant un shooting :p
      Courage dans ton acceptation de toi, moi je te trouve très jolie !

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