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Yumi EG, ambassadrice Gothic Lolita française

Yumi EG Gothic Lolita

 

Bonjour, ici Jam ! Vous savez que la mise en avant de personnalités originales et de contre-cultures nous tient à cœur. Aujourd’hui, nous voulons expérimenter le format de l’interview qui se prête particulièrement bien à cet objectif. Voilà donc le premier article d’une série d’interviews dédiés à des acteurs emblématiques de la mode alternative française.

En ce lundi, je laisse la parole à Yumi EG, ambassadrice du Gothic Lolita en France, illustrée par Jones ci-dessus. Pour celles et ceux qui me connaissent depuis longtemps, vous devez savoir que j’ai moi-même été Lolita. Manque d’argent (il faut dire que c’est un budget) et envie de renouveau, j’ai depuis quitté ce style. Mais il aura toujours une place importante dans mon cœur, de par sa symbolique et les merveilleuses rencontres qu’il m’a permis de faire.

Souvent confondu avec du cosplay, le Lolita (plus communément appelé Gothic Lolita) est pourtant une mode inspirée des robes rococo et du victorien français. Cette mode apparaît dans le quartier de Harajuku au Japon, en pleine effervescence de looks alternatifs à la fin des années 1980. Face à une mode uniformisée par les États-Unis et de plus en plus unisexe, la lolita revendique féminité et pudeur, en apportant une attention particulière à sa tenue. Le lolita est une mode avec beaucoup de règles et un apparat type (blouse, robe cloche, jupon, bloomer, chaussettes taille haute et headdresss). Mais pas de place à l’ennui ! Ces règles n’empêchent pas les lolitas de surenchérir en créativité, ce qui a conduit à l’émergence de multiples sous-genres : gothic, classical, sweet, old school, pirate, sailor, ero…

Ce style emblématique des rues de Tokyo s’est depuis exporté et compte ses représentants à travers le globe, dont Yumi, que nous avons l’honneur d’interviewer aujourd’hui. Yumi est une lolita rennoise. Depuis 2009, elle partage sa passion pour le lolita et la culture gothique à travers son blog Art du noir.


Yumi Eg Gothic Lolita

Bonjour Yumi ! Parle-nous de toi et de ton site art du noir, comment t’es venue l’idée de créer ce blog ?

Bonjour à tous! Je suis blogueuse mode sur artdunoir depuis 2012, mais en réalité je tiens un blog depuis 2008 car j’ai toujours aimé partager ma passion pour la mode japonaise. Mon premier blog était impersonnel et sur skyrock (c’était la mode !) Il s’agissait du blog Japon-Mode-Photos dans lequel je présentais les tendances japonaises à travers des revues de presse et des présentations de marques. En parallèle j’avais mon blog personnel pour partager ma vie en tant que Lolita française. Ça m’a semblé important, car j’ai découvert la mode japonaise grâce à des blogs et j’ai commencé à porter le Lolita grâce à des blogueuses ! J’aime l’aspect communautaire des blogs et j’ai toujours aimé écrire.

…oui je me souviens, je suivais ton skyblog à l’époque ! Et depuis quand portes-tu la mode Lolita ? Pourrais-tu décrire ce qu’est cette mode pour nos lecteurs qui ne la connaîtraient pas ?

En juin 2008, j’ai porté pour la première fois le Lolita mais il m’a fallu une bonne année pour vraiment comprendre comment porter ce style japonais. Très concrètement, une tenue Lolita doit être féminine : elle se compose d’une robe ou d’une jupe en forme de cloche (et il faut porter un jupon ou un crinoline pour obtenir cette silhouette) avec tout un tas d’accessoires variés qui créent une certaine harmonie qu’on nomme coordination. Les inspirations peuvent être à la fois la mode victorienne, le Rococo, mais aussi la culture punk et goth. C’est ce mélange qui me fascine.

yumi eg gothic lolita

Ces vêtements ont-ils une signification particulière pour toi ?

Définitivement oui ! Le Lolita me permet de me sentir moi-même et aussi de prendre confiance en moi. C’est ce qui me donne la motivation chaque jour pour suivre mes rêves.

… comme quoi, les vêtements ont vraiment un pouvoir ! 😉 Portes-tu le Lolita tous les jours ? Arrives-tu à conjuguer cette passion avec ton activité professionnelle ?

Je n’ai pas un travail qui me permet de porter le Lolita, mais ça ne me gène pas. Par contre, dès que je rentre chez moi plus tôt que prévu, je me change. J’essaie donc de porter le Lolita le plus souvent possible dans la semaine. Quand j’étais étudiante je le portais tous les jours, donc je ne pourrai plus m’en passer désormais.

Tu es une fervente amatrice de la mode gothique et old school Lolita, peux-tu nous décrire les spécificités de ces sous-branches du lolita ?

A l’origine de la mode Lolita on comptait trois grands styles : Le Sweet Lolita qui se veut mignon, aux couleurs douces et avec une grande inspiration féérique; le Classic Lolita qui reprend au maximum les codes de la mode victorienne; et le Gothic Lolita qui puise son inspiration dans la culture gothique occidentale. J’ai toujours préféré le Gothic Lolita car il correspond davantage à mes gouts et comme l’indique le nom même de mon blog, je suis une grande fan du noir. Vingt ans après sa création, le Gothic Lolita a beaucoup évolué et du coup le style des débuts a pris l’étiquette de « Old School Lolita ». J’aime tout particulièrement ce style, car il me rappelle l’époque où j’ai découvert cette mode. Je suis fan de cette esthétique très sobre et codifiée avec la dentelle en coton blanche et les cols ronds qui contrastent sur une robe noire en velours par exemple.

Y a-t-il d’autres styles que tu aimes ?

J’aime tous les styles Lolita même si je ne les porte pas tous ; je fais en fonction de mon inspiration du moment donc je peux porter des tenues plus Gothic Lolita, plus Classic ou Casual. J’aime beaucoup la mode Otome également ou le style Gyaru qui m’inspirent régulièrement.

L’univers du Lolita a ses créateurs emblématiques. Quelles sont tes marques préférées ?

D’emblée, je pense aux marques japonaises h.Naoto, Moi-même-Moitié et Innocent World, qui sont des marques emblématiques que j’adore porter. Je porte de plus en plus de marques indépendantes ; mes chouchous du moment sont AmaStacia et Atelier 17.

Quels sont les artistes les plus éminents du lolita selon toi ?

Sans aucun doute, si on aime la mode Lolita, il faut aller voir du côté de Sakizo, Imai Kira et Yoh monochrome. Ce sont mes idoles !

Yoh Monochrome Imai Kira

Tu sembles aussi beaucoup apprécier la culture gothique. Qu’est-ce qui t’inspire dans cette mouvance ? Quels sont tes groupes favoris ?

En effet je me considère à 50 % Lolita et 50 % Gothique, même si c’est une étiquette bien large qui veut un peu tout et rien dire en France. C’est en partie grâce à la musique que j’ai découvert le Gothic Lolita, puisque j’ai longtemps écouté du Visual kei (avec surtout Malice Mizer, dont le guitariste a créé la fameuse marque Moi-même-Moitié que je citais juste avant). J’écoute beaucoup de métal et d’électro goth ; j’ai une passion pour l’architecture gothique et néo-gothique ; j’aime les films d’horreur et les ambiances dark, les crânes et les modifications corporelles… voilà sûrement ce qui m’a rapprochée de la culture gothique. Pour ne citer que quelques groupes de musique qui m’accompagnent au quotidien, je dirais : Dir en Grey, Velvet Acid Christ, Korn, Suicide Commando et The Cure !

Yumi EG Gothic lolita
photo : pmdphotograph


Aux côtés de Mila et Pom, tu as été nommée ambassadrice Lolita française. Comment devient-on ambassadrice Lolita et quel est ton rôle au quotidien ?

L’élection a eu lieu en 2014 ; 10 Lolitas ont été présélectionnées sur dossier par la porte-parole de la « Japan Lolita Association » qui n’est autre que la plus célèbre des Lolitas : Misako Aoki. Ensuite, lors d’une tea party à Paris organisée par les associations Lolita françaises, nous avons du défiler et répondre à ses questions. Finalement, Misako nous a choisies toutes les trois car nous avons des styles et des activités complémentaires. Mila est Sweet Lolita et elle s’implique dans la création d’événements internationaux, Pom porte tous les styles mais davantage le Classic et elle voyage et participe à un maximum d’événements ; quant à moi, je représente plutôt le style Gothic Lolita et j’organise des rencontres lolitas dans l’Est de la France. Au quotidien, être ambassadrice, c’est avant tout de promouvoir la mode Lolita et je le fais avec plaisir sur mon blog et mon instagram. J’essaie aussi de promouvoir les créateurs lolitas (marques de vêtements et artistes) ; d’organiser des conférences et des rencontres ; d’aider les jeunes Lolitas aussi.

… un peu comme tu le fais en répondant à notre interview donc 😉 Tu es membre active de l’association Rouge Dentelle et Rose Ruban, pourrais-tu nous parler de cette association ?

Rouge Dentelle et Rose Ruban a été la première association Lolita en France, elle a été créée en 2009 et déjà à ce moment j’étais membre, voire staff. Quand l’association a organisé l’élection d’ambassadrice en 2014, elle a aussi créé des pôles dans toute la France pour favoriser les événements locaux. Je me suis alors proposée pour être responsable du pôle Est de la France où je vis. Cette année j’ai une super équipe de quatre amies Lolitas, nous organisons des événements tous les deux mois ! C’est très motivant !

…Et que font les lolitas quand elles se rassemblent ? C’est quoi un évènement lolita type ?

Un événement lolita typique se nomme « tea party », car on se retrouve généralement autour d’une tasse de thé et de pâtisseries. Nous aimons discuter, faire des photos et ensuite les activités peuvent varier : faire des jeux, un vide-dressing, créer des bijoux… Le but c’est avant tout de partager un bon moment avec des personnes qui ont cette même passion du Lolita.

Quel est ton regard sur la communauté lolita française ?

La communauté française est devenue énorme ! J’ai connu l’époque des forum avec 300 membres au maximum, depuis facebook nous sommes des milliers ! Il est donc impossible de connaître tout le monde ; je connais surtout ma communauté locale située dans l’Est de la France et ces personnes sont un peu comme une grande famille.

Quel est le regard des gens sur le lolita en France ?

Plus le temps passe et plus les gens aiment le Lolita. Il y a de plus en plus de personnes qui font des remarques positives et c’est vraiment super ! Je pense que les gens commencent à reconnaître le style et à l’apprécier même s’ils ne le comprennent pas forcément.

…Je suis d’accord avec toi, les mentalités commencent à changer. Comment penses-tu que le Lolita évoluera dans les années à venir ?

Je crois que le Lolita en Europe et aux USA va continuer à se populariser et s’inspirer de styles variés. Au Japon il devient plutôt rare et beaucoup de marques ferment ; c’est une nouvelle ère qui est en train de débuter avec davantage de créateurs occidentaux. A mon avis, ce style n’est pas prêt de s’arrêter, mais il est en pleine mutation !

… Merci à toi Yumi, c’était un plaisir ! 🙂

Merci pour cette interview et merci d’avoir eu le courage de tout lire ! haha !

Yumi EG Gothic Lolita

On espère que ce format vous a plu ! 🙂 Voudriez-vous voir plus d’interviews sur le blog ?

Toujours à la recherche de tendances surprenantes et passionnée par l'histoire et la sociologie du vêtement. Retrouvez-moi dans la section mode!

7 commentaires

  • PIERRE Gilbert

    Bonsoir Mesdemoiselles,
    et merci à Jam et Jones de nous faire connaître Yumi !!! A un moment, dans l’interview, Yumi déplore de ne pas pouvoir s’habiller en lolita au travail. A moins que son emploi nécessite un costume (police, pompier, infirmière etc) je ne comprends pas pourquoi… Etant employeur (et dandy), j’ai eu dans mon entreprise et simultanément, une lolita, une pin up et une gothique. Et je peux vous garantir que la clientèle, au prim abord surprise, s’est vite rendue compte que sous nos allures « burlesques » nous étions de vrai professionnels, à tel point que c’en été devenu notre référence.
    Il n’est pas rare que je me fasse arrêter dans la rue pour un mot gentil, un compliment ou même une drague sympa… Tout est question de port, il faut être fier de ce que l’on représente, et c’est un excellent remède à la timidité.
    Lorsque je croise dans la rue, une autre personne portant des vêtements de mode alternative, nous nous échangeons au minimum un regard, souvent un sourire, et quelques fois même quelques mots…
    Je profite d’avoir les doigts sur le clavier pour vous signaler que nous organisons, comme à notre habitude, et ce, depuis quelques années, un vide dressing dédié aux modes alternatives, le dimanche 28 janvier, chez Plumetis à Grenoble.
    Un grand merci à vous trois pour vos blogs, vos humeurs, vos réflexions et surtout vos sourires…
    Gilbert PIERRE

    • Jam

      Bonsoir Gilbert ! Merci de ton commentaire.
      C’est vrai que votre petite équipe était bien sympas, dans toute son originalité !
      Je t’avoue que moi aussi en entreprise j’ai tendance à me faire discrète sur mes tenues vestimentaires (du moins au début),
      car j’ai peur que les gens me jugent d’abord pour mon apparence que mon travail. Une fois mes preuves faites, c’est plus facile.
      Mais dans l’absolu c’est vrai qu’il faudrait plus oser, je me rends compte que les gens sont assez compréhensifs au final.
      J’ai hâte d’être au prochain vide-dressing, à très vite Gilbert !

      Marguerite.

  • Yumi

    Bonjour Gilbert
    Merci pour ce beau commentaire positif et enthousiaste ! Je suis enseignante, c’est un choix personnel que de séparer ma passion pour la mode de mon emploi. Je dirais que mon style reste très féminin au quotidien, très sombre également, je reste la même mais c’est plus sobre. J’ai déjà eu des emplois où je portais le lolita, c’est un grand avantage mais ça demande également de se lever encore plus tôt ! Je pense avoir trouvé mon équilibre mais je tiens également à encourager chacun de faire comme il l’entend et de ne pas s’empêcher d’être soi.

    • PIERRE Gilbert

      Merci Yumi,
      d’avoir pris le peine de me répondre, et je comprends mieux maintenant votre réserve, quant à vous vêtir selon vos codes. Le monde de l’enseignement est sans pitié, que ce soit de la part des collègues, de l’administration et plus encore des élèves. Je l’ai toujours considéré comme un monde étriqué, bien que j’y sois confronté en permanence de par mon statut de maître d’apprentissage et de formateur. Mais j’ai su m’imposer et je me fais un malin plaisir de venir en dandy dans les deux lycées ou je sévis… Dans un premier temps les élèves se moquent, sourient mais finissent toujours par rire jaune lorsqu’ils comprennent que je fais parti du jury et certain regrettent bien de m’avoir méjuger. Ils se rendent vite compte que derrière mon apparence « bizarre » se cache un vrai pro qui sait être retors et les lazzis font vite place à un silence intéressé. Mais le plus curieux, et ça m’amuse toujours, c’est de les voir faire volte face au cours des 2 jours que nous passons ensemble. Les plus passionnés osent venir me demander de faire un stage dans mon entreprise dans la suite de leur cursus !!!
      Je ne suis pas certain d’avoir ce genre de résultat en étant plus simplement vêtu… Alors, effectivement l’habit ne fait pas le moine, mais la vie est bien plus amusante en n’étant pas un quidam lambda dans un monde gris.
      Je vous encourage dans votre « vulgarisation » des modes alternatives et vous souhaite le bonsoir.

  • Darkrevette

    Avec du retard, j’ai beaucoup aimé ce format interview ^^ Je connaissais déjà la mode japonaise mais pas de manière si pointue, ça m’a fait réviser lol.
    Hâte de découvrir la prochaine !

  • Taeren

    Bonjour moi je vie à l’île de la Réunion et malheureusement il est rare voir quasi impossible de voir une personne habillé en Lolita. Je m’habillé de temps en temps mais le regard des gens et lourd à force donc j’ai arrêté. Je suis plus Visual kei de toute façon mais à petite dose quand je sors, j’appel ça le « soft kei ». Même le gothique ou emo et quasiment considérer comme un déguisement.

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